Résumé :
La première partie du mémoire dresse un aperçu historique de la
constitution d'un champ de recherche. En partant des travaux originels
d'Ulam et von Neumann (1950), nous expliquons comment la problématique
de la réalisation d'une machine auto-reproductible a constitué l'acte
de naissance des automates cellulaires. Ce modèle de calcul se
fonde sur l'utilisation d'un espace discret dans lequel des
descriptions simples et locales permettent d'obtenir un comportement
global ``complexe''. Ce passage entre la simplicité locale et la
complexité globale s'illustre bien dans le cas du ``Jeu de la vie'',
introduit par Conway (1970). En effet, malgré la simplicité des règles
qui le définissent, il fait apparaître de nombreux phénomènes
imprévisibles, qui sont
a priori
difficilement obtenues par des méthodes analytiques classiques. A
partir des travaux de Wolfram (1984), les études de règles se
généralisent ; nous décrivons comment certains travaux importants
permettent la constitution d'un nouveau champ de recherche.
La seconde partie du mémoire est consacrée à l'étude de la théorie sous
un angle plus formel. Sans entrer dans des développements trop
techniques, nous expliquons les définitions de base afin de préciser
les concepts utilisés. Nous nous intéressons particulièrement à la
façon dont on définit la ``transmission de l'information''; ainsi que
les notions de calculabilité et constructibilité universelle. Nous
abordons alors l'étude des problèmes fondamentaux : celui, non encore
résolu à ce jour, de la classification des automates cellulaires et
celui de l'hypothèse dite "bord du chaos": les règles "complexes"
(intéressantes) se situeraient entre les règles périodiques (simples)
et les règles chaotiques (trop imprévisibles).
C'est dans la troisième partie du mémoire que nous posons les questions
de philosophie des sciences en rapport avec le domaine des automates
cellulaires. Nous commençons par étudier les liens avec la physique et
l'activité de modélisation : Quelle est l'importance de la symétrie ?
Quels sont les rapports avec les flux d'informations ? Quels sont les
avantages et les limites des modèles discrets par rapport aux modèles
continus ? Nous étudions en particulier une thèse originale de Toffoli,
qui donne la primauté du discret sur le continu.
Les rapports avec la biologie sont étudiés en examinant quelles sont
les analogies possibles entre le modèle théorique d'auto-reproduction
et le phénomène de division cellulaire.
Nous montrons que l'utilisation de modèles logiques permet de poser des questions claires
et d'y répondre dans la mesure où l'on accepte que les hypothèses du modèle.
Pour aller plus loin, nous essayons d'aborder sous un angle particulier la question fondamentale : "Qu'est ce que la vie ?''.
Cette problématique débouche sur l'étude du problème de l'utilisation du réductionnisme et de l'émergence en sciences.
On constate par exemple que, dans le contexte de ``mondes possibles''
de Leibniz, il devient possible d'affirmer que la loi dite de la
sélection naturelle (Darwin) est un exemple type de phénomène
émergent. De tels résultats invitent à l'examen du concept même
de loi (Hempel, von Fraassen) et permet de poser la question de la
morphogenèse : "Comment, partant d'une univers isotrope, indifférencié,
peut-on parvenir à faire apparaître des formes ?".
Pour conclure, nous montrons que, d'une certaine façon, les automates
cellulaires invitent à transposer au domaine informatique un
questionnement philosophique qui était jusque-là réservé aux
mathématiques : celui de savoir dans quelle mesure les phénomènes de la
nature obéissent à des lois formelles.
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